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ART  BRUT
L'art des « fous », ancêtre de l'art brut, a connu un bouleversement, dans son acception et son impact, que ses premières manifestations n'auguraient pas. Si l'expression du trouble mental a d'abord suscité un intérêt médical, celui-ci n'a ensuite cessé d'évoluer, notamment vers ses aspects sociologique et artistique. La figure de l'artiste brut a, elle aussi, connu une série de métamorphoses : l'étude du cas d'exception va peu à peu s'estomper au profit d'un nouveau portrait du révolté. Ainsi Michel Thévoz, dans l'ouvrage de référence dans lequel il analyse les relations entre « art brut, psychose et médiumnité », présente-t-il les auteurs d'art brut comme « des marginaux réfractaires au dressage éducatif et au conditionnement culturel, retranchés dans une position d'esprit rebelle à toute norme et à toute valeur collective ». Dans le droit fil des positions de Jean Dubuffet – véritable inventeur de l'art brut – à qui il succéda à la tête du musée d'Art brut de Lausanne, il ajoute d'ailleurs : « Ils ne veulent rien recevoir de la culture et ils ne veulent rien lui donner. Ils n'aspirent pas à communiquer, en tout cas pas selon les procédures marchandes et publicitaires propres au système de diffusion de l'art. Ce sont à tous égards des refuseurs et des autistes. » Les deux bouts de la chaîne, le maillon social et le maillon médical, se trouvent de la sorte raccrochés, situant l'artiste brut entre résistance et marginalité. Ce nœud de contradictions participe pour beaucoup à l'aura de l'œuvre « brute » et la distingue sans conteste de l'œuvre primitive comme de l'œuvre naïve. Le Douanier Rousseau exprime une vision du monde qui, en produisant une imagerie idiosyncrasique, ne remet pas en cause les fondements de l'idéologie dominante. Cela n'a rien de comparable avec la montée en puissance d'une perception empathique à l'égard d'individus à part.
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